atlas – texte de présentation

Pendant huit années j’ai réalisé une centaine de playlists mensuelles sur la plate-forme YouTube. Par cette pratique j’ai constaté que la valeur artistique des clips reste sous-estimée, et aussi qu’ils sont traversés par des récurrences de motifs (lieux, objets, gestes, mises en scène…) dont l’enjeu ne relève pas seulement de considérations esthétiques mais de choix de représentations poétiques et politiques.

La plus grande accessibilité aux moyens de productions, et surtout à ceux de diffusion par les internets, a permis à de nombreux artistes de gagner en autonomie et en indépendance pour la création de leurs clips et ainsi de s’approprier et de revendiquer des modes de visibilité, de déployer de nouveaux imaginaires clipesques. Pour faire apparaître ces enjeux j’ai choisi de constituer cet atlas à partir d’une série d’entrées qui correspondent à des motifs opérant comme marqueurs de ces imaginaires.

Ils sont multiples : ballades dans la rue, sur les toits, doigts d’honneur, laveries, forêts, battes de base-ball, épiceries, feux, téléphones, mers, lieux désaffectés, police, écrans, salons de coiffure, ciel, etc. Chacun à sa façon témoigne d’une volonté de mettre en jeu les manières qu’ont les artistes de se positionner dans un monde qui s’est constitué comme une accumulation d’opérations de désubjectivation dirigées contre tout individu et de façon particulièrement agressive lorsqu’il s’agit de personnes dominées socialement et économiquement. Dans ce monde à combattre les artistes choisissent de mettre en avant leur quartier, leurs ami.e.s, des moments de la vie quotidienne, convoquer des lieux-refuges, montrer les injustices, revendiquer des gestes, reconquérir des espaces, sublimer des corps, revendiquer des modes d’existences.

Ces captures sont donc à chaque fois des tentatives de saisir ce qui se joue dans les clips de propositions poétiques et politiques pour se représenter, de capter un moment prégnant où l’image isolée et fixée se montre traversée par des réseaux de significations qui nous parlent, qui nous parlent de formes de vie, de situations, et, associées les unes aux côtés des autres, résonnent entre elles et gagnent en puissance.

Je me positionne ici comme passeur, l’idée n’est pas de poser un discours explicatif et surplombant mais de reconnaître, de partager, de mettre en lumière une communauté de démarches qu’ont des artistes pour affirmer leurs positions et les formes visuelles qui en découlent. En cela cet atlas fonctionne aussi comme une banque de données pouvant servir d’outil d’analyse et de compréhension de la pratique contemporaine du clip. Elle n’est pas figée mais alimentée au fur et à mesure d’autres images et de nouvelles entrées.